Jean-Michel Basquiat
Né à New York en 1960, Jean-Michel Basquiat ne rallie pas la mouvance street art par les voies « classiques » : ni blaze sur les murs, ni tag sur les métros, seulement des phrases politico-philosophiques disséminées aux quatre coins des quartiers new-yorkais branchés (Tribeca, SoHo, East Village), offert à l’œil vif de la scène underground, et signé de l’acronyme « SAMO© » (pour « Same Old Shit »). Affichant autant le désenchantement d’une génération que la volonté de se faire connaitre, Basquiat va devenir la figure de proue de ce crew (comprenant notamment son ami Al Diaz), sortant de l’anonymat en se faisant connaitre du grand public et, par là même, s’émancipant de SAMO© en 1979, taguant « SAMO© is dead ».
Délaissant les murs pour les toiles, Basquiat voit sa carrière prendre un tournant majeur quand, en 1981, ses œuvres sont exposées aux côtés de celles d’Andy Warhol, Keith Haring ou encore Robert Mapplethorpe lors de la New York/New Wave. Cette même année, le journaliste René Ricard publie sur lui un élogieux article, dans le magazine Artforum, intitulé « The Radiant Child ». Dès lors, les expositions du jeune artiste se multiplient, et ses œuvres de s’exporter dans le monde entier, côtoyant celles des plus grands (Joseph Beuys, Cy Twombly, Gerhard Richter, Andy Warhol) dans de prestigieuses galeries, à l’instar de celle de Larry Gagosian à Los Angeles ou de la galerie Ernst Beyeler en Suisse. Sa notoriété grandissante le conduit à devenir, à 23 ans (en 1983), le plus jeune artiste jamais exposé à la Biennale du Whitney Museum of American Art, et il fait la couverture du New York Time Magazine en 1985, pour le numéro intitulé « New Art, New Money : The Marketing of an American Artist ».
Tag sur les murs, peinture sur toile et sur des objets trouvés, accumulés et collés, évacuation du châssis traditionnel pour le remplacer par de moins orthodoxes entourages de porte, dessin, le travail de Basquiat se mue au gré des messages et des supports. Influencé par le hip hop, imprégné du Pop Art, il s’adonne au sampling et au scratching tout en mêlant dans ses œuvres acrylique et pastel gras, ainsi que des brides de phrases ou de mots, réminiscence de sa période graffiti. « Je biffe les mots pour que vous les voyiez mieux. Le fait qu'ils sont à demi effacés vous donne envie de les lire. », dit-il. S’appropriant le quotidien et l’impromptu, Basquiat se fait le défenseur de la cause des noirs américains, peu – voir pas – représentés dans l’art moderne et contemporain, et encore maltraités par la société. « J'utilise le Noir comme protagoniste principal de toutes mes peintures. Les Noirs ne sont jamais portraiturés d'une manière réaliste, pas même portraiturés dans l'art moderne, et je suis heureux de le faire. » Conservant le graff chevillé au corps, il continue d’en exploiter les symboles, à l’instar de la couronne à trois pointes, devenues l’une de ses singularités, rappelant les blazes des premiers rois du tag, les collages ou les thèmes de la rue, qui l’apparentent encore aux writers « traditionnels ». Passionné d’anatomie, célébrant la vie, il est aussi hanté par la mort, comme en atteste ses personnages squelettiques et sombres.
1983 marque sa rencontre et le début de sa collaboration avec Andy Warhol, pour qui Basquiat est « un miroir reflétant ce qu’il a été, ce qu’il est et aurait rêvé d’être ». Ensemble, ils vont réaliser maintes œuvres à 4 mains, mêlant anciens collages de Basquiat, peinture et sérigraphie, procédé auquel Warhol va initier le jeune street artist. Toutefois, après le mauvais accueil réservé par la critique à une exposition à la galerie Tony Shafrazi, présentant 16 œuvres de collaboration des deux artistes, Warhol, accusé d’exploiter le talent de Basquiat, met un terme à leur partenariat artistique en 1985. La disparition de son mentor, en 1987, le laisse dans une errance absolue le conduisant à une fatale overdose, un peu plus d’un an après, laissant à la postérité, outre une œuvre mirifique constituée des près de 1000 peintures et de 2000 dessins, l’image d’un précurseur de l’art contemporain comptant parmi les plus grandes figures du XXe siècle. Spontanée, énergique, faussement naïve, l’empreinte de Basquiat a embrasé des générations d’artistes qui, aujourd’hui encore, continuent de se nourrir de ses œuvres iconiques.
Vous pouvez retrouver le travail de Jean-Michel Basquiat à la Galerie Brugier-Rigail à Paris.